Le Plaisir s’affirme comme axe d’innovation majeur aux quatre coins du globe, comme ici dans ce rayon surgelé d’un supermarché en Malaisie.   © 123rf.com - Abdul Razak Latif
Le Plaisir s’affirme comme axe d’innovation majeur aux quatre coins du globe, comme ici dans ce rayon surgelé d’un supermarché en Malaisie.
À travers son Baromètre d’innovation, ProtéinesXTC classe les nouveaux produits suivant une nomenclature cartographiant les attentes des consommateurs. Une segmentation dont le suivi met chaque année en relief les items les plus porteurs et a contrario ceux en retrait. Focus sur les axes moteurs de l'inno à l'occasion de Sial Paris 2024.

L’analyse porte ici sur les nouveautés répertoriées dans le monde courant 2023, en comparaison avec les années précédentes (Elle est complétée par nos observations plus spécifiques à l’innovation en surgelés et glaces pour la France). En premier lieu, 2023 se caractérise par une légère reprise de l’innovation après une baisse historique en 2022

Les axes plaisir et santé sont toujours les deux leviers d’innovation majeurs, mais l’écart a tendance à se creuser entre ces deux axes. À noter que sur cette édition, la France est assez bien alignée sur les tendances ressenties au niveau mondial.

Trois questions à Xavier Terlet, directeur général de ProtéinesXTC

LMDS : Quels sont les grands enseignements depuis la dernière édition de Sial Paris ?

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Xavier Terlet : Une forte baisse de l’innovation en 2022 dans le monde (-12,7 %) et l’amorce d’une reprise en 2023 (+3,9 %). Un mouvement plus prononcé en France qui est le pays où l’innovation a le plus fortement chuté en 2022 (-23,3 %) avec une reprise plus dynamique de +8,2% en 2023. Cette baisse intervient après l’épisode Covid dans un contexte de choc inflationniste qui a découragé nombre d’opérateurs. Et cela concerne logiquement les lancements de produits à valeur ajoutée. Notamment dits de « transition alimentaire », comme les produits biologiques ou les substituts végétaux très nombreux ces dernières années.

LMDS : Selon vous, quelles évolutions illustrent particulièrement les tendances cette année ?

X.T. : On a vu que l’innovation est repartie doucement en 2023. Les premiers mois de 2024 confirment cette tendance. On observe ici une nette progression de l’offre plaisir, phénomène classique pendant et après une période économique difficile. En parallèle, l’innovation dite de « transition » (sur les items naturalité, végétal, écologique, éthique) est moindre en quantité mais plus qualitative, avec des recettes plus élaborées, moins transformées et davantage d’ingrédients locaux.

LMDS : Comment les industriels ont-ils fait face à l’inflation ?

X.T. : On a pu relever deux types de réactions côté industriels. D’un côté, celle qui consiste à ralentir voire stopper les lancements de produits en attendant des jours meilleurs. L’autre plus audacieuse qui, dans ce contexte inflationniste, à y voir une opportunité pour apporter des réponses nouvelles et adaptées. Avec des produits « plaisir », plus simples et moins chers, que l’on gaspille moins, vendus à l’unité par exemple ou à l’inverse des formats famille économiques mais aussi des produits à valeur ajoutée santé, végétale ou écologique que le consommateur attend et qui restent à prix raisonnable pour être accessible au plus grand nombre…

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Source des données : ProtéinesXTC

LE PLAISIR 

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52 % des innovations dans le monde (61 % en France)

Le plaisir est plus que jamais l’axe d’innovation principal dans l’alimentaire mondial, réaffirmant, si besoin était, l’importance de la fonction émotionnelle de l’alimentation. Malgré ou à cause de l’inflation, les consommateurs ont continué à privilégier le plaisir. Les innovations « plaisir » sont tout de même plus faibles (< 50 %) en Amérique latine et en Asie. L’Europe est dans un mouvement opposé. Le taux d’innovation « plaisir » y est le plus élevé (53,6 %).

Sophistication des ingrédients et des méthodes

En termes d’innovation, le plaisir s’exprime dans des recettes avec des ingrédients ou des méthodes de fabrication « premium » comme le temps long (maturation, cuisson, fermentation) qui devient une vraie valeur ajoutée.

Des goûts plus marqués et toujours l’exotisme

Au-delà d’ingrédients aux goûts puissants comme le piment ou la cacahuète, le goût se spécialise en fonction des cibles, avec l’apparition de goûts marqués, travaillés pour les palais moins sensibles. L’exotisme ne faiblit pas, l’Asie restant la destination phare avec la Corée toujours, pour ses recettes aux bénéfices santé (notamment grâce à la fermentation), appréciées pour leur goût et leur naturalité.

Le fun s’invite à table

Fait notable cette année, la dimension « fun » fait des étincelles. Des produits décalés qui s’adressent au besoin d’optimisme qui s’est généralisé, en laissant la place à l’émotion et à la créativité pour enchanter le quotidien.

En France : L’axe plaisir connaît une nette progression, dépassant les 50 % des innovations en 2023, en progression de près de 7 points depuis 2021.

Sur l’offre Surgelés/glaces, le plaisir demeure un axe très majoritaire sur le grand froid, notamment avec les poids des glaces. On a pu constater une multiplication des offres « réconfort ». De même, l’axe de l’exotisme connaît un développement très significatif sur le surgelé en France.

LA SANTÉ

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26 % des innovations dans le monde (17 % en France)

Après une forte progression pendant plusieurs années, l’axe santé conserve sa deuxième place, en lien avec des préoccupations sanitaires toujours très présentes chez le consommateur. On note néanmoins un net décrochage par rapport au plaisir, même si cet axe particulièrement dynamique en Amérique Latine, avec en moyenne plus d’une innovation sur trois.

Un certain tassement sur la végétalisation

Même en légère baisse, la végétalisation, la naturalité et le médical restent des piliers de poids : végétalisation de recettes et produits best-sellers, mise en avant de la naturalité via les conditions de production, comme l’élevage au pâturage et son double bénéfice qualité du produit et éthique (bien-être animal).

Le médical résiste

Le médical reste présent avec la hausse de produits qui renforcent l’immunité et le boom d’une nouvelle caractéristique : la forte teneur en protéines, toutes catégories confondues (produits carnés, laitiers, légumineuses, snacking). Une double visée pour cette tendance « protéinique » : à savoir rassurer ceux qui font le choix de végétaliser leur diète mais aussi séduire les sportifs qui cherchent une alimentation adaptée. Rendez-vous au dernier trimestre pour évaluer l’effet JO sur l’innovation cette année !

En France : l’axe santé diminue clairement, passant d’une moyenne de 1 lancement sur 3 depuis 2019 à 1 lancement sur 4 en 2023. Une évolution due au ralentissement des lancements de substituts, (trop ?) nombreux en 2022.

Sur l’offre Surgelés/glaces, très peu de lancements sur le créneau des substituts de viandes ont finalement réussi à pérenniser leur place dans le rayon. C’est plutôt sur l’axe du végétal naturel (combinant légumes et légumineuses) que certaines nouveautés sont parvenues à tirer leur épingle du jeu, notamment en épousant les modes de consommation dans l’air du temps (apéro plancha, burger, salade…) et en jouant la carte du produit multi-usages.

LA FORME

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9,4 % des innovations dans le monde (6,2 % en France)

l’axe « forme », reste dynamique et se maintient sur la troisième marche du podium. Pour autant, il demeure mineur en Europe mais à l’inverse surreprésenté dans les autres régions du monde.

La minceur, obsession nord-américaine

Les dimensions en vedette ? La minceur aux États-Unis avec la promesse « Low Carb » (pauvre en glucides), en lien avec les régimes « keto » : réduction des glucides et augmentation des apports lipidiques (acides gras insaturés) et protéiniques. En cosmétique, les gummies, gommes gélifiées aux promesses santé/beauté partent à la conquête du monde et de la grande distribution après un démarrage remarqué sur les marchés anglo-saxons.

Sport, bien-être et énergie au programme

Le sport n’est pas en reste, particulièrement en Europe où les aliments pour sportifs se généralisent dans les rayons. Côté bien-être, le vinaigre de cidre sort de son statut de condiment et se voit paré de vertus multiples (gestion du poids, éclat de la peau…).

En France : L’axe forme évolue positivement et conserve sa troisième place. Une offre qui retrouve une certaine dynamique sur les dimensions de bien-être et d’énergie.

Sur l’offre Surgelés/glaces, comme dans les années précédentes, cet axe conserve un rôle très mineur dans le rayon Grand Froid, avec peu d’innovations sur ce créneau.

L’ÉTHIQUE

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6,4 % des innovations dans le monde (8,3 % en France)

Après avoir concurrencé directement la forme pour la troisième place, l’axe éthique est aujourd’hui en légère régression. La cause de ce tassement des propositions liées à la transition alimentaire ? Une rationalisation de l’offre, d’ordre à la fois structurel et conjoncturel : des bénéfices qui tendent à s’intégrer dans la proposition standard pour le consommateur, dans un contexte inflationniste qui a conduit les industriels à reporter certaines évolutions. Les innovations éthiques restent drivées par l’Europe et, aujourd’hui, l’Amérique du Nord. Le Nouveau Monde rattrape son retard jusqu’ici monopole du Vieux Continent. L’Amérique latine est à 1,5 pt de l’Europe, tandis que l’Asie représente la part la plus faible sur cet axe (3,6 %).

L’empreinte carbone, marqueur d’avenir

Sur les packs, l’empreinte carbone est le marqueur de la consommation responsable. Mise en avant sous l’angle de la compensation, ses marges d’évolution sont considérables (part croissante de l’approvisionnement local, évolutions des modes de production). Des changements fondamentaux sur le temps long, pour un potentiel de satisfaction important pour toutes les parties prenantes.

La fermentation au service de l’« animal free »

Les grandes marques se rapprochent des start-up travaillant sur la fermentation de précision (production en laboratoire par des micro-organismes de protéines de lactoserum). Une technologie qui trouve aujourd’hui des applications dans le segment des solutions laitières, avec des substituts dont les caractéristiques organoleptiques sont proches de celles du lait animal.

La solidarité se diversifie

La tendance solidarité de l’éthique creuse son sillon, avec toujours les questions de rémunération équitable, sujet particulièrement brûlant en Europe et en France cette année. Parallèlement, on voit émerger des produits associés à des démarches d’inclusion sociale concernant des univers plus éloignés du cœur du produit (solidarité envers les femmes victimes de violence, inclusion des personnes en situation de handicap, …).

En France : La part des innovations à promesse éthique poursuit sa baisse amorcée en 2021. Une promesse aujourd’hui plus structurante qu’innovante. En passe de devenir un dû pour le consommateur, et de fait moins valorisée comme bénéfice « on pack » par les industriels.

Sur l’offre Surgelés/glaces, l’axe éthique est encore sous-représenté, mais progresse depuis quelques années, notamment via une part croissante d’ingrédients à dimension régionale, voire locale, mais aussi au niveau de l’évolution des modes de production.

LA PRATICITÉ

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6,3 % des innovations dans le monde (7,8 % en France)

Après une chute de près de 10 points dans les années 2010, sa part actuelle est certes l’une des plus faibles enregistré depuis plus de 15 ans, mais elle progresse légèrement par rapport à 2022. Levier moins porteur, la praticité est clairement devenue un prérequis et non plus une valeur ajoutée pour le consommateur. Cela fait plusieurs années qu’aucune innovation majeure n’a été entreprise sur ce seul critère. Mais la praticité évolue elle aussi avec les tendances sociétales, sous le signe prioritaire du végétal : aides culinaires (râpés, émincés) pour un bénéfice de gain de temps très attendu par tous, et spécialement les végétariens et végétaliens qui cuisinent plus que la moyenne. Les produits nomades n’échappent pas à la vague végétale.

Une praticité à réinventer pour les Séniors

La Praticité se traduit également par des produits encore plus faciles à manipuler (ouverture, extraction…). Dans ce domaine, le vieillissement démographique annoncé dans de nombreux pays devrait voir la prochaine généralisation de ce type d’innovation.

On notera enfin que l’axe praticité décroche en Amérique du Nord (3,7 %) tandis que l’Europe dépasse la moyenne mondiale avec 7 %.

En France : l’axe Praticité est le moins porteur d’innovation. Les bénéfices de manipulation, gain de temps ou nomadisme sont aujourd’hui des prérequis pour le consommateur. Les nouveaux avantages mis en avant sur ces dimensions restent rares.

Sur l’offre Surgelés/glaces, la praticité reste un axe fort de différenciation sur l’innovation, la facilité de mise en œuvre restant au cœur des préoccupations.

Les dynamiques des axes d’innovation par zone géographique

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Source des données : ProtéinesXTC