© Sial Paris - 2022 De mémoire de ProtéinesXTC c’est une baisse historique ! Le cabinet de veille a en effet dévoilé les résultats de son dernier baromètre sur l’innovation alimentaire*. Il en ressort que le nombre d’innovations alimentaires lancées en 2022 a chuté de presque 13 % à l’échelle mondiale. Si le repli est surtout marqué en Europe (les innovations dévissent moins aux USA et en Asie), la baisse est très prononcée en France, où le nombre de lancements (hors simples changements de grammage et packaging de références existantes) dévisse de presque 23 %. « Je n’ai jamais vu un tel décrochage depuis 25 ans que nous suivons l’innovation dans le monde », déclare Xavier Terlet, Conseil stratégique chez ProtéinesXTC. La preuve que le contexte de crises successives qui touchent le vieux continent d’une part et le phénomène de transition alimentaire d’autre part, ont eu un effet majeur sur la capacité d’innovation des IAA.
Le bio et l’éthique en net recul
Au-delà de la baisse globale des innovations, le cabinet met en relief un recul assez prononcé des lancements en lien avec l’éthique (solidarité, écologie), représentant 7,2 % des lancements en 2022, alors qu’un an auparavant, ils étaient justement à « leur plus haut niveau ». Pour autant, l’Europe demeure le continent où la part des innovations revendiquant une promesse en « éthique » reste la plus élevée. En France, cette part représente encore 10 % des lancements (avec tout de même deux points perdus en un an). Sans surprise, on note également le recul du bio, qui ne représente désormais qu’un peu moins d’une innovation sur 4 en 2022 (24 % ) en France, contre quasiment une sur trois à son plus haut en 2019 (35 %).
Le végétal décolle
Aides culinaires végétales, mycoprotéines, fermentation de précision, compositions plus simples et 100 % végétales, alternatives carnées, piscicoles, laitières… On peut aujourd’hui parler d’une réelle végétalisation de l’alimentation, avec une part dans l’innovation dans le monde passant de 7 % en 2018 à 13 % en 2022, soit presque deux fois plus de lancements en cinq ans. D’ailleurs, 24 % des produits présentés au concours du Sial Innovation en 2022 étaient des substituts. C’est en Amérique du Nord que cette tendance serait désormais la plus dynamique, même si l’Europe demeure également un terreau favorable, avec certes de fortes disparités d’un pays à l’autre. En revanche, cette profusion de lancements, notamment sur le créneau des purs substituts de viandes, risque assez vite d'entraîner une surreprésentation de l'offre par rapport à la demande.
Le surgelé salé limite la casse
Enfin, on notera que les surgelés salés ont plutôt bien résisté et demeurent au final parmi les catégories de produits les plus innovantes. Il est vrai qu’ici, les enseignes spécialistes jouent un rôle capital dans l’innovation via leurs marques distributeur. Selon le baromètre ProtéinesXTC, ces dernières représenteraient d’ailleurs près de 20 % des lancements en surgelé salé dans le monde, tous marchés confondus.
(*) : Baromètre de l’innovation alimentaire mondiale – Édition 2023 - pour plus d’info : proteinesxtc.com
3 questions à Xavier Terlet, conseil stratégique chez ProtéinesXTC
LMDS : Si on s’en tient aux seuls surgelés et glaces, quelle est l’ampleur de la baisse du nombre d'innovations lancées en 2022 ?
Xavier Terlet : Elle est moins prononcée sur cette catégorie, notamment grâce aux enseignes spécialistes, mais n’en demeure pas moins une réalité. Si on compare le nombre de lancements en 2022 par rapport à 2021, c’est presque 7,5 % d’innovations alimentaires en moins dans le monde et la baisse dépasse les 14 % en France.
LMDS : Comment expliquez-vous ce repli plus important qui est généralement constaté en France ?
X.T. : Parce que la France est justement l’un des pays où les lancements de produit sont les plus nombreux ! Ceci est dû à la structure des IAA françaises (à 72 % des TPE, qui doivent donc innover pour exister face aux PME, ETI et groupes) et à la force de la distribution, notamment indépendante, qui a besoin de se différencier et donc de favoriser l’innovation. Par conséquent, en période difficile (Covid + Ukraine + Inflation) tout ralentit. Les IAA en restent à leurs gammes existantes et aux valeurs sûres. Elles réduisent ainsi les risques induits par tout nouveau lancement, tout comme les distributeurs resserrent considérablement leur politique de référencement
LMDS : Quels axes moteurs ont malgré tout tendance à s’affirmer dans l’offre ?
X.T. : Trois tendances lourdes se dégagent nettement des autres :
En premier lieu, c'est la prédominance de l’axe Plaisir en France. L’alimentation ici joue bien son rôle en période de crise. Souvent le seul vecteur de petits plaisirs que l’on peut s’offrir. Donc Pas étonnant que l’on retrouve chaque année des glaces dans le Top 10 des innovations de NielsenIQ. En l’occurrence 2 dans le Top 2022 avec Ben & Jerry’s Sundae et Kinder Bueno
Ensuite, on observe un tassement des lancements sur le thème de la transition alimentaire (naturalité, écologie, bio). Sans doute parce qu’il y en a eu beaucoup (trop) ces dernières années : marques nationales, marques distributeurs, tout le monde s’y était mis, entraînant une certaine saturation du marché (pour mémoire, une inno sur trois lancées en 2019 était bio ! ). Et cette baisse de l’innovation sur le bio va continuer.
Enfin, c’est la confirmation du végétal. En 2022, 13 % des innovations food dans le monde mettaient en avant un bénéfice « végétal ». Des substituts (ou ingrédients substituts) de produits carnés, laitiers, poissons, ovoproduits… C’est d’ailleurs la tendance du végétal qui a boosté la catégorie du surgelé salé (avec de nombreux lancements de plat cuisiné surfant sur la tendance « veggie »), deuxième sur le podium des catégories les plus innovantes (7,7 % des innovations sur le total food) derrière les boissons sans alcool.
