Belle initiative que celle du Geco Food Service. Avec l'aide de l'organisme d'études sociologiques SocioVision (groupe IFOP), l'association professionnelle qui regroupe des entreprises fournisseurs des marchés de la CHD dresse le portrait de la restauration commerciale et collective de demain. Si la crise liée à la pandémie de 2020 a laissé des traces, les chiffres de 2021 présentés dans cette étude permettent d'entrevoir des évolutions notables qui donnent le cap à prendre pour 2030. En 2021, la restauration commerciale (197 730 établissements) accusait une perte de chiffre d'affaires de 32 % par rapport à 2019 avec 39 milliards d'euros et 2,8 milliards de plats servis (contre 4,1 milliards trois ans plus tôt). De son côté, la restauration collective (81 270 établissements) a perdu 17 % de son chiffre d'affaires avec 18 milliards d'euros et 3,2 milliards de prestations (contre 3,7 milliards en 2019). Et les maux mis en lumière par cette étude sont connus : des tensions économiques, une pénurie de main-d’œuvre accompagnée d'une nouvelle culture professionnelle, une accélération des usages numériques individuels, ou encore une transition énergétique et un « verdissement » de l’économie.
Assiettes et clients de demain
Plus globalement, ces constats actent un changement de tendances auquel les restaurateurs doivent être vigilants. Au-delà des défis sociétaux qui s’imposent au secteur, les convives de demain auront effectivement des attentes différentes. Plus âgés, il faudra leur proposer une alimentation adaptée (comme par exemple des produits à texture modifiée), mai aussi des services de livraison dédiés aux seniors. « Avec une augmentation du taux de personnes âgées dans les sociétés, les goûts et les attentes des clients vont évoluer », résume Laurent Repelin, Président du Geco Food Service, rappelant que la population des plus de 75 ans devrait quasiment doubler d’ici 2030. Mais qu'ils soient âgés ou non, les clients vont de plus en plus être attentifs à une cuisine écologique (végétarienne et végétalienne), sourcée et ouvertes sur le Monde. « On est dans un contexte où la végétalisation de l'alimentation n'est plus un sujet, même si la façon de la mettre en oeuvre fait largement débat. On consomme aujourd'hui 63 % de protéines animales contre 34 % de protéines végétales et il y a une volonté publique de tendre vers un équilibre à 50-50 % », explique un consultant en innovation alimentaire, cité dans l'étude SocioVision. « On va aussi aller nettement plus loin sur la cuisine du monde, qui sera davantage hybride, avec son lot de nouveaux concepts de restauration », indique de son côté Michel Sanson, directeur général de Sodiaal et futur président du Geco Food Service*.
Un foyer sur deux en solo
Le paysage familial sera plus diversifié avec un foyer sur deux « solo » en 2030. L’offre doit donc s’adapter avec des approches encore plus individuelles, des services et des espaces conçus pour les consommateurs solos. Sachant que cette transition vers une logique d’innovation forte et orientée vers le sur-mesure devra impérativement s’accompagner d’une plus grande hybridation et d’une digitalisation des pratiques dans les entreprises. Pour les chefs, l'approche du métier va devenir pluridisciplinaire : « face à la multiplication des contraintes (financières, normatives, culture du travail, exigence client), les chefs seront multipotentiels (culture RH, marketing, entrepreneuriat, imagination) », résume l'enquête.
Les attentes des clients de demain, résumées par Geco Food Service.
De nouveaux équipements au service des cuisines
Si les habitudes et les publics sont voués à évoluer, est-ce que les équipements doivent eux aussi transitionner ? Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco, répond : « des acteurs de la restauration collective utilisent déjà des appareils innovants qui mixent frigos connectés avec des solutions pour cuire ou réchauffer. Notre étude démontre que nous sommes dès maintenant en train de modifier les techniques de cuisson, de réchaud, et de conservation en prenant en compte les conséquences de sécurité sanitaire, afin d'éviter ce que nous appelons les "risques". À l'horizon 2030, l'équipement sera radicalement changé », confirme la directrice générale, qui insiste également sur l’impact de ces nouvelles pratiques, par effet boule de neige, sur l’offre alimentaire en circuits food service. En résumé, alors qu’une nouvelle normalité se dessine sur un tempo qu’on a de plus en plus de mal à suivre, l’association nous rappelle à juste titre qu’il importe d’anticiper, ou du moins d’essayer de comprendre toutes ces mutations.
Cuisiner autrement, oui mais avec les surgelés
Reste enfin à savoir quelle place occupera le surgelé dans le monde de la restauration de demain. D’un côté, les discours des acteurs tendent tous vers un retour aux sources dans les cuisines, avec une primauté accordée au local et au fait maison. Des positions qui, du moins en façade, tendent à réduire la voilure sur les surgelés. Certes, revenir à des fondamentaux du métier de cuisinier est un objectif louable, ce serait idiot de défendre le contraire. Mais on sait pertinemment que les établissements, confrontés à un manque croissant de personnel, a fortiori qualifié, seront toujours rattrapés par la sacro-sainte maîtrise des coûts portions, la chasse au gaspillage alimentaire, ou encore le besoin de sécurisation des approvisionnements. Avec en dénominateur commun à tous ces enjeux, le besoin du restaurateur de pouvoir s’appuyer sur des produits qui ne lui feront pas défaut dans son quotidien. Or dans ce domaine, le surgelé a plutôt fait ses preuves…
(*) : Avec à son actif deux mandats consécutifs, Laurent Repelin cèdera son siège de président du Geco Food Service à Michel Sanson à compter du 16 juin 2023.
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En chiffres : la restauration hors domicile (2021)
57 Md € de CA pour l'ensemble de la restauration
6 Md de repas servis hors domicile par an en France en restauration commerciale et collective.
279 000 établissements et points de vente-restauration.
Restauration commerciale
2.8 Md de repas servis (4.1 Md en 2019)
197 730 établissements
47,5 % des repas de la RHD
39 Md € de CA = -32% (2021-2019)
Restauration collective
3,2 Md de prestations (3.7 Md en 2019) dont 31 % dans l’enseignement et 52 % dans santé/social
81 270 établissements
52,5% des repas de la RHD
18 Md € de CA = -17% (2021-2019)