C’est un événement aussi rare que nécessaire pour la profession. Une fois tous les quatre ans, l’Institut International du Froid organise son congrès où des chercheurs de toutes générations échangent sur le Froid. Pour son retour en France, l’ICR s’articulera autour de différents thèmes représentés lors de prises de paroles, sessions techniques et ateliers animés par les scientifiques présents sur place. Pour beaucoup, ce congrès sera l’occasion de défendre des années de recherche. « Chaque édition reflète l’état de la recherche sur les quatre dernières années. Comparer les sessions [des éditions précédentes] donne une idée de l’avancée des sujets qui font l’actualité de la recherche », explique Jocelyn Bonjour, Vice-président de la commission B1* au sein de l’IIF. En 2023, les éjecteurs, les fluides naturels et les pompes à chaleur seront en vogue dans le programme. Plus précisément, la session E2 dédiée aux PAC sera la plus représentée avec le plus de présentations. C’est tout à fait remarquable et montre à quel point les PAC vont prendre une place importante dans la transition énergétique, sous l’effet de l’électrification massive à venir. Cette forte présence à l’ICR 2023 est le résultat de nombreuses présentations de «papiers scientifiques» ». Organisée au Palais des Congrès de Paris, l’ICR sera aussi l’occasion de remettre les prix du meilleur article étudiant, celui du meilleur prix scientifiques et enfin le prix de l’IIF pour les femmes dans le froid.
* Commission dédiée à la thermodynamique et au processus de transfert.
Les cinq thèmes de l’ICR 2023
Cryogénie et gaz liquéfiés.
Thermodynamique, équipements et systèmes.
Biologie et technologie alimentaire.
Entreposage et transport.
Conditionnement d’air, pompes à chaleur et récupération d’énergie.
Programme complet à retrouver en ligne sur le site en cliquant ici.
Informations pratiques
Date : 21 au 25 août 2023
Lieu : Palais des Congrès de Paris
Organisateur : AFF
Inscription : https://fr.icr2023.org/inscription
IIF
Le dernier congrès international du Froid s'est tenu à Montréal au Canada en 2019 et a réuni quelque 850 visiteurs venus de 45 pays.
Didier Coulomb, directeur général de l'IIF : «L’ICR permet de préparer la COP 28»
Entretien avec Didier Coulomb, le directeur général de l’Institut International du Froid.
DR
Que représente l’organisation de l’ICR 23 à Paris pour vous ?
Il est important que l’ICR ait lieu à Paris pour les Européens, puisqu’en général nous essayons d’avoir une édition tous les quatre ans dans différentes régions du monde. Le prochain congrès en Europe aura lieu dans 12 ans en 2035. Il faut donc saisir cette opportunité.
Quelles sont vos attentes concernant la vingt-sixième édition du congrès ?
Ma principale attente est de réunir le plus de personnes possible. J’espère sincèrement qu’il y aura de nombreux participants provenant d’universités, d’entreprises, de chercheurs, ingénieurs, étudiants et des professionnels de tous les domaines de la réfrigération. J’espère que les participants s’enrichiront par les échanges avec d’autres professionnels venus du monde entier.
Pourquoi encourageriez-vous les professionnels du froid à participer au congrès cette année ?
L’Union européenne, via la révision de la F-gas, doit donner l’exemple au monde entier de réduire son utilisation de gaz fluorés. 2023 est une année charnière à ce propos. Il s’agit également d’une année déterminante concernant les plans d’action nationaux sur le refroidissement (NCAP). Aujourd’hui, les Nations Unies demandent à chaque pays de déployer un NCAP afin de définir une stratégie concernant le développement des usages de la chaîne du froid. La réfrigération joue un rôle important quant au changement climatique. Il est clair que le froid doit désormais être au cœur du développement durable en réduisant son impact. Pour cela, tous les pays doivent développer un plan d’action. Vous savez peut-être que l’IIF participe à la conférence sur le changement climatique à la fin de l’année à Dubaï. Le changement climatique sera au cœur de nos échanges. Participer à l’ICR est un moyen de mieux se préparer aux décisions qui seront prises d’ici la fin de l’année. Le congrès qui aura lieu en août sera le moment opportun.
Comment intéresser les étrangers aux problématiques européennes c omme la révision de la F-Gas ?
L’Union Européenne a été la première région du monde à mettre en place une réglementation sur les hydrofluorocarbures (HFC), avant même l’adoption de l’amendement de Kigali en octobre 2016. La mise en place de la F-Gaz, malgré des difficultés (ex : trafic de HFC hors quotas…), s’est plutôt bien passée. Chaque pays peut appliquer sa propre réglementation pour respecter l’amendement de Kigali, déjà ratifié par une grande majorité de pays. Mais suivre l’évolution de la F-gaz et ses aménagements en cours de discussion est une source d’informations et d’idées pour l’application de chacune de ces réglementations nationales. Je constate moi-même, lors de mes déplacements en Afrique, en Asie, en Amérique, que je suis souvent questionné sur les propositions et le débat actuel sur la révision de la F-gaz.
Des actions similaires à la révision de la F-Gas sont-elles menées à des échelles locales/régionales ailleurs dans le monde ?
Les pays développés hors Union Européenne ont mis en place déjà (c’est une obligation pour eux depuis 2019) un système visant à réduire l’utilisation de HFC à fort effet de serre. Ces systèmes peuvent être assez différents de la F-gaz. Par exemple, au Japon, l’accent est bien davantage mis sur la réutilisation des frigorigènes. Mais nous n’en sommes qu’au début et il est trop tôt pour savoir si ces réglementations seront suffisantes, a fortiori trop tôt pour envisager des révisions. Quant aux pays en développement, ils n’ont pas encore l’obligation de mettre en place cette réduction de production et de consommation de HFC. Ils scrutent avec attention toutefois ce qui se passe ailleurs et ils se préparent.
On entend souvent parler du décalage entre impératif écologique et contraintes socio-économiques et techniques. Que répondre aux industriels qui disent qu’ils ont besoin de temps pour s’adapter ?
Il est évident que s’adapter nécessite du temps. Le problème est d’évaluer combien de temps. Ce n’est pas facile. Les industriels ont généralement tendance à vouloir obtenir le plus de temps possible en mettant en avant toutes les contraintes techniques et économiques. Les politiques, eux, sont poussés à agir vite à cause de la pression écologique. Ce n’est pas seulement une pression des écologistes, c’est une réalité scientifique que le réchauffement s’accélère et qu’il faut agir maintenant et fort. Et puis, il y a l’acceptabilité sociale qui, à l’inverse peut freiner les politiques. L’important, c’est que le dialogue, le plus sincère possible, arrive à s’instaurer et à se renouveler régulièrement entre les industriels et les administrations et les politiques. Sachant que bien souvent, l’innovation naît de la contrainte. Si celle-ci est bien conçue, les industriels s’adapteront. ?
Quel message comptez-vous porter à la conférence sur le changement climatique à la fin de l’année à Dubaï suite au ICR ?
Pour la première fois, une conférence sur le changement climatique, la COP28 à Dubaï, va porter le sujet du froid comme un sujet majeur. Il faut donc en profiter pour faire passer des messages. C’est pourquoi l’IIF a conclu un accord avec les Nations Unies pour partager un pavillon à la COP28, avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Food and Agriculture Organisation et la Banque Mondiale, sur le froid et le protocole de Montréal, avec l’appui de quelques autres organisations et entreprises. Le pavillon permettra d’exposer des documents, d’organiser des petites conférences… Le programme est en cours d’élaboration. Pour notre part, nous porterons les messages suivants :
Le froid est nécessaire, et de plus en plus nécessaire, partout dans le monde et en particulier dans les pays en développement : c’est une question de santé (conservation des produits de santé comme les vaccins, sécurité sanitaire des aliments), de sécurité alimentaire, de vie pendant les canicules, de moyens de réduction des émissions de gaz à effet de serre (pompes à chaleur, capture et stockage de CO2…) et d’adaptation au changement climatique.
Il faut donc que le froid se développe, mais de façon durable, c’est-à-dire en minimisant son impact sur le réchauffement climatique : efficacité énergétique, frigorigènes à faible effet de serre, recyclages… Nous montrerons des réalisations, des innovations, des solutions.
Enfin, nous inciterons chaque pays à mettre en place des plans d’action en matière de froid, à l’intérieur de leurs Contributions Nationales Déterminées (les plans de chaque pays pour atténuer le changement et s’adapter, qu’ils doivent présenter aux COP pour valider l’évolution à venir des émissions et les moyens mis). Ces plans doivent être à la fois les plus détaillés possibles et viser le moyen et le long terme, avec des investissements conséquents. Le fait d’avoir un pavillon dans la zone de la COP dédiée aux négociations entre pays est un atout fort pour permettre des échanges fructueux.
Propos recueillis par Lilian Pouyaud, la RPF
neiezhmakov/123RF
C'est a Dubaï que se tiendra la COP28 à la fin de cette année, du 30 au 12 décembre 2023.
Gérald Cavalier, président de l'AFF : "Un congrès tourné vers le futur"
Entretien avec le président de l’Association Française du Froid et président du comité d’organisation du 26ème congrès international du Froid.
DR
Aujourd’hui le froid est indispensable dans notre société, il est utilisé dans toutes nos activités (manger, se soigner, communiquer, se déplacer...). Il n’y a pas une activité humaine qui ne fasse pas appel au froid mais ce dernier consomme 20 % de l’électricité mondiale. Il est émetteur de plus de 7 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre. À l’heure de la transition énergétique et environnementale, on ne peut pas ignorer ces impacts. Pour cela, il faut être sobre et utiliser le moins de froid possible et le mieux possible, être économe en ressource, tout en étant plus intelligent et efficace.
Comment faire transparaître les questions liées à la protection de l'environnement parmi les 5 sous-thèmes ?
Le programme détaillé du congrès est en ligne avec les quelque 600 communications scientifiques qui y seront présentées et une quinzaine d’ateliers. Les questions liées à la durabilité et à la transition énergétique et environnementale sont omniprésentes. On ne peut pas travailler sur un secteur qui représente 20 % de la consommation d’électricité mondiale et qui utilise des fluides frigorigènes à haut GWP, sans s’intéresser à ces questions de sobriété. Ces thématiques sont au cœur des échanges des congrès, comme elles l'étaient d’ailleurs dès la première édition en 1908.
L'Europe est en attente de la révision de la F-Gas. Comment intéresser la communauté internationale à cette question ?
Cette problématique est régionale si l’on regarde seulement le prisme de la F-Gas, autrement dit de la réglementation européenne. Mais la problématique de la réduction de la consommation et du rejet à l’atmosphère de fluides frigorigènes est d’ordre mondial. L’Accord de Kigali, tout comme la réglementation américaine, canadienne, japonaise ou encore coréenne traitent du même sujet. Il faut arrêter de penser que l’Europe avance seule concernant cette question et qu’elle est la seule en pointe.
La question de la PAC prend une place de plus en plus importante, qu’en sera-t-il lors du congrès ?
La pompe à chaleur est à la fois une application et une technologie. La plupart des systèmes frigorifiques sont des pompes à chaleur puisque pour produire du Froid, on “enlève du chaud”. La PAC sera donc aussi au centre du congrès, abordée au travers de leur performance énergétique, des différents fluides et des PAC haute température par exemple.
Combien de visiteurs sont attendus ?
Nous espérons un millier de visiteurs sur les 5 jours de congrès plus les trois jours pour les instances de l’IIF. Mais j’invite toutes les personnes intéressées par le Froid, ses techniques et son économie à venir au congrès. La dernière fois que le congrès s’est tenu en France c’était il y a 40 ans. La prochaine fois ce ne sera sans doute pas avant une vingtaine d’années. Ce n’est que la troisième fois que le congrès se tient à Paris depuis 1908 (date de la création de l’AFF et de l’IIF). Venir et participer au congrès c’est déjà un premier pas vers le financement de la recherche !
Propos recueillis par Lilian Pouyaud, la RPF