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Dans un contexte économique complexe, Frédérique Lehoux, directrice générale de GECO Food Service, fait le point sur l’année 2024 dans l’univers RHD et sur les perspectives 2025. L’occasion aussi de reparler des REP emballage sources de colère et d’exaspération.




LMDS : En cette fin d’année, dans quel état d’esprit se trouvent vos adhérents ?


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Frédérique Lehoux : L’atmosphère de cette fin d’année est assez tendue en raison des peurs et des appréhensions sur ce que réserve l’année 2025. En adoptant un comportement de précaution, les consommateurs impactent indirectement nos industriels qui constatent en parallèle les difficultés auxquelles sont confrontés les restaurants commerciaux. Sur ce segment de marché, les défaillances d’entreprises s’accélèrent. Il faut bien comprendre que le modèle économique de nos industriels est un juste équilibre entre restauration commerciale et restauration collective. Si l’un des segments va mal, le juste équilibre peut vite être remis en cause. 2025 s’annonce donc très compliquée, nous n’avons pas de lisibilité sur les marchés RHD et nous constatons également une très grande prudence du côté des grossistes.


​​​​LMDS : Vous avez récemment présenté les résultats d’une étude* sur le Ranking des critères d’achats en restauration commerciale, collective et boulangère. Quelles tendances se dégagent ?


F.L. : L’étude met en exergue des sensibilités aux critères d’achats nuancées selon les segments de marché. La restauration commerciale fait ses choix en tenant compte des caractéristiques du produit et des facilités d’utilisation, la boulangerie-pâtisserie et la restauration collective s’orientent principalement vers le prix. Et lorsque le prix reste une priorité pour les opérateurs, il n’est pas toujours maîtrisé en raison des difficultés induites par l’inflation ou l’identification d’un juste prix pour tous les produits. 20 % des opérateurs sont incapables d’évaluer le juste prix de leurs produits (tout ou partie). Reste qu’1/3 des opérateurs, tous segments confondus, ne placent pas le prix en tête de leurs critères d’achats. Ils souhaitent avant tout de l’innovation avec des conseils, des prix attractifs avec des promotions, une relation commerciale de confiance et accompagnante et surtout une haute valeur ajoutée de services (régularité, assortiment, disponibilité, respect livraison, réactivité).


​​​​​​"2025 s’annonce très compliquée, sans lisibilité sur les marchés RHD et nous constatons une grande prudence du côté des grossistes."


LMDS : Concrètement comment vos adhérents répondent-ils à ces attentes ?


F.L. : Dans ce contexte économique compliqué, nos industriels privilégient les produits-solutions qui ont une réelle valeur ajoutée pour les exploitations en permettant aux restaurateurs de gagner du temps, en proposant des formats adaptés aux besoins et bien sûr des coûts produits qui correspondent aux attentes économiques. La restauration a de plus en plus besoin qu’on l’accompagne, qu’on l’aide avec des solutions qui jouent un rôle face à la pénurie de personnel ou de compétences, tout en garantissant une bonne qualité de produit.


LMDS : Dans ce contexte, le surgelé a-t-il une carte à jouer ?


F.L. : Bien entendu ! Il tire son épingle du jeu puisque cette technologie apporte beaucoup de praticité dans l’usage. Les produits surgelés permettent d’éviter le gaspillage dans un monde où les restaurateurs doivent produire les justes quantités pour maintenir les bons ratios. D’autant qu’il est de plus en plus difficile de prévoir ou d’anticiper le nombre de couverts qui va être servi. Les produits bruts surgelés ont beaucoup d’atouts. Les légumes par exemple sont surgelés quelques heures seulement après leur cueillette et conservent toutes leurs qualités organoleptiques. Les produits de boulangeries permettent de bien gérer les productions et évitent le gaspillage. Les exemples sont nombreux. Rappelons-nous que durant le COVID, les produits surgelés ont permis de sauver des stocks !


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Les produits bruts surgelés tirent bien leur épingle du jeu, sur un marché de la restauration où il est de plus en plus difficile de prévoir ou d’anticiper le nombre de couverts qui va être servi.

LMDS : Vous avez instauré les « Rencontres GECO ». De quoi s’agit-il ?


F.L. : C’est drôle que vous en parliez car ces rencontres existent en fait depuis plus de 10 ans. Mais il est vrai que nous communiquons sur elles que depuis peu et notamment à travers les réseaux sociaux ! Notre association invite des acteurs de l’écosystème pour qu’ils viennent rencontrer nos adhérents pour leur parler de leur entreprise, de leurs attentes et besoins. C’est un moment d’échange informel et convivial, hors toute posture commerciale. Cette année nous avons reçu le président du directoire de Pomona, Éric Dumont et ses équipes, le président-directeur général de Compass, camille Berthaud et son directeur achat et logistiques, et nous en cette fin d'année, le groupe API Restauration. On ressort enrichi de ces échanges qui permettent de mieux travailler ensemble. À noter que ces rencontres sont ouvertes à nos adhérents mais également aux industriels qui souhaiteraient rejoindre notre association.


" Sur le sujet des REP emballages, il est urgent de clarifier les choses ! "


LMDS : Autre sujet qui vous mobilise : les REP emballages. Où en est-on ?


F.L. : C’est un sujet qui fait naître en moi beaucoup de colère car nous avons découvert mi-octobre un projet de décret, actuellement en consultation publique **, qui va fusionner la REP ER (Emballage de Restauration) avec ce qui devait être la future REP EIC (Emballage Industriel et commerciaux). C’est ce que nous réclamions depuis 2021 ! Alors que nous avons dû batailler pour comprendre et installer la REP Emballage Restauration, devenue effective en mars 2024 avec l’agrément pour 6 années d’un éco-organisme CITEO PRO que nous attendions depuis plus d’un an (N.D.L.R. : La LOI prévoyait l’entrée en application le 1er janvier 2023). Et maintenant on va balayer tout ça pour revenir à ce que nous préconisions depuis le début. À ce stade, les industriels ne savent plus ce qu’ils doivent faire, sachant qu’ils ont déjà fait une déclaration « Emballages de Restauration » avant l’été pour estimation de ceux mis sur le marché en 2024 et qu’en début d’année ils sont censés faire la déclaration des « emballages restauration » (gros emballages professionnels) au réel sur 2024 auprès de CITEO PRO et la déclaration « Emballages Mixtes Alimentaires » (petits emballages professionnels) auprès de leur éco-organisme Emballages Ménagers (LEKO – ADELPHE ou CITEO). Que devront-ils faire réellement en 2025 avec la disparition de la REP Emballages Restauration, personne ne le sait ! Sans compter que les tarifs 2025 de CITEO PRO ont, pour la plupart, été établis selon l’ancienne formule. On marche sur la tête !


LMDS : Quelles sont les conséquences de ces REP pour vos industriels ?


F.L. Difficile à dire précisément dans l’état actuel de la situation mais ce qui est certain c’est qu’un industriel a besoin de connaître les tarifs de ces REP au moins 6 mois à l’avance pour les intégrer dans ses CGV, base de négociations avec les grossistes ou les grands comptes. Il y a des appels d’offres et il faut y répondre. Comment voulez-vous qu’ils puissent introduire le curseur au bon endroit dans ce contexte ? D’autant que les définitions de certains emballages ont changé et qu’il faut tout reprendre à zéro. Précédemment, on parlait d’emballages mixtes alimentaires et maintenant le mot alimentaire a disparu. Il est urgent de clarifier les choses si l’on veut que ce dossier, dont nous ne remettons pas en cause la légitimité, voit le jour.


(*) :  Conduite par le cabinet Shenkuo, Laurent Fihey, avec le concours de Nicolas Nouchi du Cabinet Strateg’eat


(**) : Notre interview s’est déroulée mi-novembre, date à laquelle le projet de décret est consultable sur :


www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr


Un mot sur le GECO Food Service


L’association GECO Food Service est la seule association en France dédiée à 100 % aux marchés complexes du Food Service, depuis 50 ans. Elle regroupe des entreprises fournisseurs majeurs des marchés de la Restauration Hors Domicile (RHD), PME, ETI, Groupes, ses membres fabriquent et commercialisent des produits alimentaires et non alimentaires (équipements, services et produits d’hygiène) dédiés aux professionnels du hors domicile.


Pour plus d'info : gecofoodservice.com


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Un fournisseur industriel a besoin de connaître les tarifs de ces REP au moins 6 mois à l’avance pour les intégrer dans ses CGV, base de négociations avec les grossistes ou les grands comptes.



REP Emballages - Le regard du grossiste


Damien Dupont – directeur général D.S Restauration


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« C’est bien simple, nous sommes au point mort. Au sein de Fedalis, notre instance professionnelle représentative, nous avons multiplié les rencontres avec les différents acteurs concernés sans parvenir à obtenir des réponses claires. Nous pensons avoir réussi à exposer les différentes incertitudes liées à la mise en place de la REP qui a été faite sans dialogue en amont et dans un calendrier en retard avant même de commencer. Nous attendons dorénavant une définition claire ainsi qu’une fusion beaucoup plus facile à comprendre entre REP ER et REP EIC. On nous dit que les barèmes mis en place pour la REP ER ne sont plus d’actualité, qu’il y aura des rattrapages qui interviendront… mais rien d’officiel. Nous sommes dans un flou total avec une vraie difficulté à construire un budget lié aux contours et à l’application de cette mesure ».



REP Emballages – Le regard de l’industriel


Éric Le Hénaff – directeur général de Cité Marine


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« Les nouvelles REP viennent polluer nos relations commerciales alors que nos industries doivent faire face à de nombreux défis dont l’inflation, qui les fragilisent considérablement. C’est un élément supplémentaire de discussion entre les industriels et leurs clients venant créer des tensions inutiles. Aujourd’hui, ces nouvelles REP, qui partent d’un bon sentiment bien sûr comme la loi Egalim, sont en réalité une nouvelle taxe qui nécessite d’être prise en compte dans les négociations avec nos clients. Car il va falloir tout justifier, produit par produit, lors des négociations commerciales avec les clients ».