La loi Egalim 2* a été promulguée au Journal officiel du 19 octobre 2021, à la suite d’un long débat parlementaire. Cette loi introduit de nouveaux dispositifs de régulation et de transparence au profit d’une meilleure protection de la rémunération des agriculteurs français. Si ses objectifs sont louables, l’efficacité de ce texte est sujette à de multiples réserves. Décryptage proposé par Maître Nicolas Hournon.

Egalim 2 : quel impact sur la relation industrie commerce ?

La Loi promulguée le 18 octobre 2021 est issue d’une proposition de loi de l’Assemblée nationale et plus particulièrement du travail dirigé par le député Grégory Besson-Moreau. Cette proposition de Loi résulte du constat que la loi Egalim n’a pas produit les effets attendus sur la rémunération des agriculteurs. Le législateur tente donc par ce nouveau texte d’intervenir à nouveau dans les rapports Producteurs – Industries — Commerces pour agir à nouveau sur le revenu des agriculteurs. La complexité du texte fait cependant naître des doutes immédiats sur son influence réelle.

Les 2 volets principaux du texte

Le texte traite des relations contractuelles entre les agriculteurs et leurs premiers acheteurs puis dans un second temps des relations contractuelles entre les industriels et la grande distribution alimentaire. Nous n’aborderons ici que ce second volet compte tenu de la date d’entrée en vigueur du premier volet.

L’entrée en vigueur des dispositions sur la relation industrie commerce

La nouvelle s’est rapidement répandue. Envoyer des conditions de vente (littéraires et tarifs) avant le 1er novembre 2021 et signer la convention commerciale avec le distributeur avant le 31 décembre 2021 permet de se soustraire à l’application des dispositions majeures du texte jusqu’aux prochaines négociations. En revanche, si la négociation n’est pas conclue au 31 décembre 2021, le fournisseur devra communiquer de nouvelles Conditions Générales de Vente (CGV) et plus particulièrement un nouveau tarif mis à jour pour répondre aux obligations d’Egalim 2.

L’opportunité d’accélérer les négociations 2021 est contestable car elle impose aux fournisseurs de déterminer leur tarif très rapidement alors que l’ensemble de leurs coûts de production sont très variables et incertains. Si on n’élude pas la complexité du texte, notamment pour les PME, il n’apparaît dans tous les cas jamais opportun de modifier une stratégie commerciale ou économique du fait d’une nouvelle contrainte juridique.

Les dispositions majeures du texte

 Principe de transparence du prix des MPA composant un produit

Le nouvel article L 441-1-1 du Code de commerce relatif aux conditions de vente des fournisseurs de produits alimentaires (et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie) prévoit un principe de transparence. Plusieurs options sont offertes au fournisseur dans sa relation avec les grands distributeurs (la relation avec les grossistes est exclue)

Option n° 1 : faire mention pour chaque référence de la part individualisée que représente (en % du volume du produit alimentaire et en % du tarif) chaque matière première agricole (MPA) et chaque produit transformé composé de plus de 50 % de MPA (lire l’exemple dans l'encadré ci-dessous).

Option n° 2 : faire mention de la part agrégée que représentent (en % du volume du produit alimentaire et en % du tarif) les MPA et les produits transformés composés de plus de 50 % de MPA. Dans le cadre de cette option, seule la dernière ligne figurera dans les conditions de vente du fournisseur.

En application de l’article L443-8 du Code de commerce, la part des MPA dans le tarif devient non négociable : à ce stade et dans l’attente des commentaires de la DGCCRF, on ne sait pas si ce principe de non négociabilité a pour conséquence d’exclure la part des PMA dans le tarif de la base ristournable. Le choix entre les options 1 et 2 dépend très certainement avant tout de la complexité de la recette du fournisseur mais le choix de l’option 1 peut également se justifier par l’importance des variations d’un ingrédient spécifique impactant grandement le coût de production. Si le fournisseur fait le choix de l’option 1 ou de l’option 2, le client peut à ses frais solliciter l’intervention d’un tiers indépendant pour attester l’exactitude des éléments figurant dans les CGV.

Option n° 3 : le fournisseur indique dans ses conditions de vente qu’il ne présente pas la part des PMA et des produits transformés. Il doit alors en cas d’évolution de son tarif par rapport à l’année précédente faire intervenir un tiers indépendant à ses frais chargé de certifier au terme de la négociation qu’elle n’a pas porté sur la part de cette évolution tarifaire qui résulte de celle du prix des MPA ou des produits transformés.

L’encadrement des négociations annuelles

Obligations pour le distributeur de motiver dans le mois suivant la communication des CGV et du tarif de manière explicite et détaillée par écrit le refus des CGV.

Principe de non négociabilité de la part dans le tarif du fournisseur du prix des MPA

Retour de la justification de contreparties ligne à ligne pour les produits alimentaires : la convention annuelle doit mentionner chacune des obligations réciproques et leur prix unitaire

Interdiction de la discrimination abusive (l442-1 du Code de commerce) : interdiction de pratiquer ou d’obtenir des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou d’achat discriminatoire et non justifiées par des contreparties réelles. Le retour de cette interdiction est un argument juridique et commercial majeur pour les fournisseurs. Cependant, le contrôle et la sanction de cette discrimination semblent à première vue délicats.

L’évolution du prix

La nouvelle clause de renégociation

Pour les produits alimentaires et pour les produits agricoles, la clause de renégociation est étendue aux fluctuations de l’énergie, du transport et des matériaux entrant dans la composition des emballages

La révision automatique du prix des produits alimentaire

La convention doit comporter une clause de révision automatique des prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole à la hausse comme à la baisse. Les parties déterminent librement la formule de révision en fonction du cycle de production ainsi que les indicateurs utilisés.

Si cette révision automatique n’est pas une mention obligatoire des CGV, il peut être opportun pour les fournisseurs de déterminer dans leur CGV le cadre de la révision automatique en ayant à l’esprit que cette clause aura vocation à s’appliquer à la hausse comme à la baisse.

L’encadrement des pénalités logistiques

Le nouvel article L441-17 du code de commerce encadre strictement les pénalités logistiques. Il constitue un outil important lors de la négociation des contrats mais également si un fournisseur est amené à recevoir des demandes de pénalités

Contrat MDD

Le texte comporte des dispositions relatives au contrat MDD que nous aborderons plus spécifiquement dans le cadre d’un prochain article.

(*) : « Loi 2021-1357 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite EGALIM 2 ».

Cas pratique : quiche lorraine

Parmi les options offertes au fournisseur dans sa relation avec les grands distributeurs, celle de faire mention pour chaque référence de la part individualisée que représente (en % du volume du produit alimentaire et en % du tarif) chaque matière première agricole (MPA) et chaque produit transformé composé de plus de 50 % de MPA. À titre indicatif, le tableau ci-dessous illustre l’application de cette option dans le cas d’une quiche lorraine. En application de l’article L443-8 du Code de commerce, la part des MPA dans le tarif devient non négociable ( soit 34,8 % dans l’exemple évoqué ici).

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Avocat depuis 15 ans et fondateur du cabinet NH, Nicolas Hournon consacre ses activités aux conseils des entreprises en particulier en matière de politiques tarifaires et de négociations commerciales. Installé en Bourgogne Franche comté, il a développé une connaissance particulière du monde agroalimentaire. Pour en savoir plus : www.avocat-nh.fr - nhournon@avocat-nh.fr

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